« Approche pédologique de la classification des crus de Bourgogne »
Introduction
Le Laboratoire d’analyse Microbiologique des Sols (LAMS) travaille depuis plus de 10 ans sur les sols de vignes qu’il analyse sur les trois plans: physique chimique et biologique. A l’heure actuelle, les facteurs explicatifs des terroirs sont le climat, la topographie, la géologie (Meriaux et al .1981) et la pédologie (Moriat et al. 1981). Ce dernier critère a souvent été considéré comme secondaire et a ce jour il semble qu’aucune étude scientifique n’ait confirmé cette classification des vins ni étayé le choix des cépages. L’objectif de cette étude est de préciser le rôle éventuel de la topographie et de la pédologie sur la classification des crus de Bourgogne et la couleur des vins produits.
Pour cela, nous avons mesuré l’altitude des parcelles et, sur chaque sol, la surface spécifique totale des argiles, par gramme de sol sec sur l’horizon de surface et sur le fond. L’étude que nous présentons en priorité à l’Académie internationale des vins n’est pas encore complètement terminée car elle a été effectuée sur les données récoltées par le L.A.M.S. avant 2002 et depuis de nouvelles données ont été accumulées. Cependant les premiers résultats étant significatifs, nous pensons qu’ils méritent d’être portés à la connaissance des académiciens.
Méthodes
Parcelles et classification
Les mesures présentées dans cette analyse, ont été effectuées depuis 1991 par le Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols (LAMS) pour le compte de ses clients, dans le cadre de son activité. Les mesures présentées dans cette analyse, ont été effectuées depuis 1991 par le Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols (LAMS) pour le compte de ses clients, dans le cadre de son activité d’expertise agricole de routine. La classification choisie est la classification officielle des grands crus (INAO 1936), sauf pour la parcelle appelée La Tache, que nous avons divisée en La Tache Haut et La Tache Bas, car il s’agissait jusqu’en 1946 de deux parcelles différentes.
Cette analyse porte sur 53 parcelles différentes:
Parmi les parcelles du vignoble bourguignon, 27 étaient plantées avec du Chardonnay et produisaient du vin blanc, et 26 étaient plantées avec du Pinot noir et produisaient du vin rouge.
Mesures
La détermination de la surface interne totale des argiles a été effectuée selon la méthode du Bleu de méthylène (Pham et Brindley, 1970.), qui nécessite de déterminer tout d’abord le pourcentage d’argiles dans le sol sec, puis la surface interne des argiles, en m2 par gramme d’argiles.
Statistiques
Elles ont été effectuées par Florent de Vathaire, directeur de l’unité statistique de l’INSERM. L’analyse a été effectuée avec les méthodes de la statistique classique paramétrique et de l’analyse discriminante linéaire à l’aide du logiciel SAS®.
Résultats
Ils sont résumés par les quatre graphiques ci-joints. Dans l’analyse discriminante linéaire effectuée, les valeurs en surface et au fond de surface interne des argiles et l’altitude permettent de prévoir la classification de 46 des 53 parcelles (graphique N°1), 18/21 des parcelles de grands crus et 28/32 des autres parcelles, toutes les variables ayant un rôle significatif. Une combinaison linéaire de ces trois paramètres permettaient aussi de classer la couleur du cépage planté de toutes (21/21) les parcelles de grands crus (graphique N°3). Pour les autres crus, le classement était de 25/32 (16/18 des blancs et 9/14 des rouges, graphique N°2).
Conclusion
Cette analyse permet de confirmer que le classement des crus de Bourgogne et les traditions de choix de cépages, bien qu’établis empiriquement, peuvent être reliés à des bases scientifiques, pédologiques et topographiques. Bien que ces variables ne soient pas les seules déterminant de la qualité des vins, et que le climat, les pratiques culturales et la vinification ont un rôle important et reconnu, notre analyse montre pour la première fois que des paramètres pédologiques ont un rôle non négligeable, qui a trop souvent été considéré comme secondaire. Le fait que la liaison entre ces variables et le choix du type de cépage soit plus nette pour les grands crus que pour les autres crus est probablement expliqué par le fait que le choix du type de cépage est en meilleure adéquation avec la nature des sols pour les grands crus.
La relation avec l’altitude avait été constatée empiriquement. Note analyse montre cependant que l’altitude ne suffit pas et que des paramètres pédologiques doivent être pris en compte dans le choix du cépage à planter sur une parcelle, car ils ont un rôle propre sur la qualité des vins produits. Le graphique n°4 que nous présentons sur les vins de Bordeaux montre que le critère que nous utilisons est aussi discriminant pour cette région. Les données actuelles que nous avons sur cette région sont encore insuffisantes pour conclure sur le sujet mais elles montrent déjà une forte tendance à la validité de notre indice de classification, pour les crus et pour la couleur.
Les premiers résultats que nous avons l’honneur de présenter à l’Académie Internationale du Vin confirme, par la science, le bien-fondé des classifications faites par la dégustation. Nous espérons pouvoir enrichir nos données sur d’autres régions viticoles de France, d’Europe et du Nouveau monde afin de fournir une aide pour la compréhension du rôle du sol dans l’expression de terroir des vins. Cet indice peut aussi servir d’aide à la décision lors de la plantation de nouveaux vignobles.