« 12 années de culture biodynamique »

4 décembre 2001

En 1991 je vous présentais la culture biodynamlque que je commençais à mettre en application sur le domaine Huet à Vouvray. Je me souviens de vos réactions plus ou moins sceptiques ou moqueuses. Qu’en est Il aujourd’hui? après 12 années je continue toujours cette méthode et je vals vous dire pourquoi. Tout d’abord permettez moi de vous rappeler les grands principes de la

GENERALITES

La culture biodynamique est l’application des théories de Rudolph STEINER à l’agriculture, STEINER (1861-1925) étant un philosophe et scientifique autrichien. Cette théorie reconnaît dans la terre prise au sens large (roche mère, terre labourable, environnement aérien) un organisme à part entière. Cette terre ainsi que l’univers planétaire et stellaire qui constitue son environnement social, sont des êtres vivants dépendants les uns les autres et dont la vie se déroule selon des rythmes bien définis. On commencera donc par améliorer ou donner la vie au sol par l’incorporation de composts dans celui-ci. La plante n’est pas qu’un système thermodynamique avec ses entrées et ses sorties à équilibrer. La plante existe d’abord comme un modèle suprasensible, un archétype, un concept. Lorsque cet archétype est plongé dans les conditions terrestres, c’est à dire, lorsque l’on met la graine dans la terre, les formes qui se développent alors, se remplissent de la matière qui résulte de l’activité des forces de vie (d’où « esprit, vie et matière»).

Les méthodes culturales et les produits employés canalisent et utilisent les forces cosmiques, afin de redonner un équilibre à la plante et au sol et de les faire vibrer en harmonie avec l’univers. Lorsque la plante sera attaquée par les maladies, on cherchera à savoir pourquoi elle est malade et non à détruire systématiquement ses prédateurs, qu’ils soient champignons ou insectes.

BIODYNAMIE PRATIQUE

Les différentes expérimentations menées par Maria Thun sur des semis, sur des plantes à pousse rapide, salade, radis, etc., ont permis de constater les Influences cosmiques sur la croissance des plantes. Ces Influences s’effectuent selon un certain rythme directement lié aux positions de la lune et du soleil par rapport aux constellations zodiacales. C’est-à-dire que, selon les jours, la plante favorise soit ses racines, ses feuilles, ses fleurs ou ses fruits.

– Jours « racine », lune devant les constellations de terre: taureau, vierge, capricorne.

– Jours « feuille », lune devant les constellations d’eau: poissons, cancer, scorpion.

– Jours « fleurs », lune devant les constellations d’air: gémeaux, balance, verseau.

– Jours « fruits», lune devant les constellations de feu: bélier, lion, sagittaire.

D’après ces observations il fut mis au point un «calendrier des semis» qui indique tous les ans ces différentes périodes. Tous les travaux et traitements effectués sur les vignes sont régis par ce calendrier (c’est-à-dire dépendant des conditions cosmiques). En effet, la symbiose doit exister entre les différents organismes que sont la plante, la terre et le cosmos. Pour les plantations on tiendra compte des jours racines et fruits. Pour la qualité du raisin nous interviendrons pour la culture et certains traitements les jours fruits. Les produits fondamentaux de la biodynamie résident dans les préparations, elles en sont les fondations, l’impulsion fondamentale vers la guérison, les médicaments de base.

– 5 préparations, 502 à 506 à base de plantes (achillée millefeuille, camomille, ortie, écorce de chêne, pissenlit)

– La préparation bouse de corne ou 500

– La préparation silice de corne ou 501

Ces différentes préparations ont subi des transformations, processus fermentaire en présence d’organes d’animaux. Ces produits sont utilisés après avoir été dynamisés. La dynamisation consiste à mettre le produit dans de l’eau et à brasser d’abord en tournant dans un sens de manière à créer un vortex (entonnoir à l’intérieur de l’eau) puis dans l’autre sens et cela durant un temps déterminé. Il s’établit alors un transfert de la substance vers l’eau.

LE COMPOST

Le compost est réalisé avec du fumier de vache, des copeaux de chêne, de la paille puis il est « dynamisé » avec l’incorporation en quantité très faible des 5 préparations 502 à 506. La durée de compostage est d’environ 15 mois avec un ou deux remuages. Ce compost épandu après les vendanges soutient et renforce le processus de décomposition de la matière organique. Il contient en lui-même tous les éléments qui aident à la formation du complexe argilo-humique, on y trouve un nombre considérable de bactéries qui aident à cette formation, il introduit la vie dans l’élément terreux. En complément ou en remplacement on utilise également le compost de bouse. Celui-ci est composé essentiellement de bouse de vache, de silice, de calcaire et des préparations (502 à 506). Il est répandu en gouttelettes sur le sol après une dynamisation de 20mn, le soir après 15 h 00 G.M.T.

PREPARATION BOUSE DE CORNE

Elle mobilise les éléments du sol vers la plante en agissant directement sur les racines qu’elle développe en grosseur et en longueur. Celles-ci peuvent donc mieux capter la nourriture de la plante, d’où une meilleure résistance en cas de sécheresse notamment. La circulation de la sève devient plus régulière. La bouse de corne fait monter dans la sève les forces cosmiques, les forces planétaires apportées dans le sol par le compost de bouse. Cette préparation est répandue sur le sol après une dynamisation d’une heure, le soir à partir de 15 h 00 G.M.T. Le compost de bouse et la bouse de corne ne servent qu’à préparer la plante et le sol afin que la silice de corne soit efficace.

PREPARATION SILICE DE CORNE OU 501

Elle soigne l’atmosphère pour que les forces de lumière parviennent bien à la plante. Elle favorise l’assimilation par les feuilles des oligo-éléments contenus à l’état homéopathique dans l’atmosphère, ces oligo-éléments, par l’intermédiaire des enzymes étant très importants dans le processus vivant des plantes. Après une dynamisation d’une heure cette préparation est pulvérisée en fines gouttelettes sur les feuilles au lever du soleil. La bouse de corne est obtenue à partir de bouse mise dans une corne de vache puis enterrée dans le sol pendant l’hiver, où elle capte les forces de vitalisation. Le 501 est de la silice finement broyée mise dans une corne de vache et enterrée pendant l’été, où elle reste exposée aux forces vives du soleil. La corne de vache capteur naturel d’énergie est très utilisée en biodynamie. Ces trois préparations sont essentielles pour l’harmonie et l’équilibre du sol et de la plante. Si l’harmonie est réalisée, la plante se défendra, ou plutôt elle n’appellera pas ses ennemis que sont les clyptogames (divers champignons, le mildiou, l’oïdium etc.), les insectes (cochyllis et eudémis), ou les acariens.

PRATIQUES EFFECTUEES

Depuis 1990 les 35 hectares sont cultivés selon cette méthode, c’est à dire:

– après les vendanges nous apportons 1 tonne/ha de compost biodynamique avec comme complément, le compost de bouse.

– au printemps avec le greffage nous répandons en gouttelettes sur le sol la bouse de corne avant la floraison nous effectuons un à trois passages de préparation 501.

– naturellement, aucun désherbant chimique. Nous travaillons le sol : labourage, décavaillonage, travail superficiel du sol pour maîtriser l’herbe, mais depuis 2000, nous laissons l’herbe naturelle pendant l’hiver.

– pour les traitements anti-mildiou nous utilisons la Bouillie Bordelaise en association avec une tisane d’ortie ou une décoction de prêle.

– sur le 12 dernières années la moyenne utilisée est de 18 kg/ha de BB soit 3.6 kg/ha de cuivre. Les doses annuelles sont bien entendues variables selon les conditions climatiques de 1.8 hg/ha à 10 kg/ha de cuivre les années particulièrement difficiles comme 1993.

– pour l’oïdium nous utilisons soient le soufre fleur en poudrage ou l’Héliosoufre selon les conditions climatiques avec un apport moyen total de 60 hg/ha.

– pas d’acaricide, les typhlodromes et les coccinelles sont revenues naturellement.

– les vers de grappes sont traités pour la 1ère et 2éme génération avec les bacillus thmingiensis.

– aucun autre produit n’est utilisé sur le vignoble.

RESULTATS

Sur les sols

Notre confrère Claude Bourguignon a effectué les diverses analyses de nos parcelles en mai 1993 et novembre 1999. De l’étude comparative il ressort :

Une remontée de la C.E.C. (capacité d’échange en cations) grâce à une amélioration de la qualité de la matière organique, mais la part de la M.O. dans la C.E.C est encore trop faible il faut continuer les compost.
Une baisse de Ph ce qui est favorable à la disponibilité des éléments nutritifs
Une baisse du Cu 72mg/kg à 38,9 mg/kg, du Phosphore 145 à 39 mg/kg du Potassium 368 à 235 mg/kg. Globalement la composition des sols est plus satisfaisante.
Sur la vigne et le vin

Depuis ces 12 années nous avons uniquement, avec la méthode et les produits indiqués précédemment, pu maîtriser aussi bien le mildiou que l’oïdium et les vers de la grappe et cela, quelque soit les conditions climatiques et la pression de ces divers » maladies ». Le seul point noir est l’esca pour lequel nous n’avons pas de solution. La maturité du raisin est plus précoce d’environ 8 jours. Les rendements n’ont pas changé, la moyenne est de 40 hl/ha sur 12ans en ne tenant pas compte de 1991, 3.6 hl/ha et 1994 8hl/hl à cause du gel des mois d’avril. Il y aurait une plus grande stabilité dans les rendements. La teneur en sucre des jus de raisin est comprise entre 180 g/l et 380 g/l soit entre 10.5° et 22° potentiel, mais cette variation importante est principalement due aux conditions climatiques. Même avec des rendements de 60hl/ha comme en 1992 aucune cuvée ne fut inférieure à 10,5°, cela je pense, grâce à la biodynamie. La dernière chaptalisation des vins de base pour mousseux a eu lieu en 1987, les vins tranquilles n’étant jamais chaptalisés. En ce qui concerne la qualité du vin notre clientèle et les professionnels de la dégustation ont l’air de penser que celle-ci s’est améliorée , mais la dégustation est tellement subjective que je me garderai bien de trancher…

CONCLUSIONS

Après 12 années de pratique de la culture biodynamique aucun élément aucun événement, n’est venu nous indiquer que nous étions dans la mauvaise voie. Au contraire nous avons la satisfaction de produire des vins sans aucun produit chimique, en respectant complètement la notion de terroirs et de vin noble, ce qui correspond je pense aux objectifs de l’A.I.V. Il est vrai que je ne peux pas actuellement vous démontrer scientifiquement la biodynamie. Mais il faut laisser le soin au chercheur de le faire, encore faudrait-il trouver un organisme qui accepte de se pencher sur ce sujet, ce qui est loin d’être le cas. Mais il faut bien constater qu’après les railleries, les moqueries et le scepticisme des débuts, de nombreux vignobles de réputation internationale adoptent cette méthode de culture aussi bien en Europe que dans le Nouveau Monde viticole. Je terminerais en précisant que je n’ai apporté qu’un témoignage et que je n’ai pas la prétention de détenir la vérité, ni de vous convaincre. J’applique une méthode que je ne m’explique pas, que je ne comprends pas, mais je le fais avec conviction car elle correspond à ma sensibilité et à ma recherche de la qualité et de l’expression du terroir.