J’ai aimé le caractère de cet homme dont l’intelligence et le tempérament bien trempé ne laissaient que peu de place au compromis et à l’approximation.
Membre fondateur de l’Académie, il fut toujours un amical membre éminent, précis, convaincu, rigoureux, assidu, parfois cassant avec du caractère mais ne laissant jamais rien paraitre de son intelligence et de tous les talents dont il était pourvu car la modestie faisait partie de sa nature.


C’était un homme de grande valeur, il était droit avec des convictions affirmées et n’aimait vraiment pas que l’on puisse mettre en doute la preuve scientifique – grand scientifique qu’il était – et se fâchait souvent lorsque – à l’époque – l’académie sous l’influence de quelques timides académiciens précurseurs de la réflexion biologique ou « pire » biodynamique tentaient de l’entrainer pour donner son avis sur ces modes de production oubliés ayant recours à des pratiques agricoles plutôt holistiques que purement scientifiques et la… Jean-Noël Boidron devenait tout rouge !


Chercheur, enseignant hors pair, honnête homme attaché à sa terre et aux propriétés de la famille Boidron il œuvra tout au long de sa vie dans ses vignobles familiaux, à l’université de Bordeaux et à
l’Académie toujours à l’affût de nos travaux et convaincu de l’influence rigoureuse et sage que pouvait avoir l’Académie sur le monde viticole s’inventant alors – au fil du temps – toujours plus de pratiques
« particulières ». Mais je tiens à vous confier ici toute la crainte que j’avais comme Chancelier lorsque Jean-Noël décidait d’être en désaccord avec certains propos ou conclusions du jour et déroulait
alors une opposition affirmée, documentée, scientifique, rigoureuse, implacable !


Né en 1936, licencié en mathématiques et sciences Jean Ribereau-Gayon cherchait un assistant, il fût celui-là et entra à l’Institut d’Œnologie de Bordeaux en 1955.

  • Une thèse sur l’oxydoréduction, des travaux sur la chromatographie puis sur la technique de chromatographie en phase gazeuse.
  • Des recherches sur brettanomyces bruxellensis dont les effets dans le vin n’étaient pas à l’époque catalogués comme un défaut.
  • Précurseur dans le domaine d’étude des arômes dans les vins.
  • Très beau travail de recherche sur l’arôme des cépages muscatés, les terpènes.
  • Une approche scientifique de la dégustation l’occupa beaucoup jusqu’à participer activement à la mise sur pied du Diplôme d’aptitude à la dégustation et il est indéniable que la qualité de l’enseignement et de la recherche de l’École Bordelaise doit beaucoup à votre père chers amis Emmanuel et Hubert !
  • C’était un dégustateur hors pair peut-être un des meilleurs de l’époque, toujours très critique, sans fioriture, plein d’humilité sans jamais avoir l’ambition de briller en public.
    Ses convictions :
  • « Les pesticides : Les éviter ! »
  • Robert Parber « Je ne connais personne d’autre capable de faire ce qu’il faisait en matière de dégustation »
  • « C’est l’émotion, que je cherche dans un grand vin, le vin c’est comme la musique, comme un beau mot »
  • « Le bois ? on en a fait un argument de qualité ! »
  • « Le terroir est universel et ensuite c’est l’homme qui intervient pour révéler un endroit précis, particulier sur lequel on peut faire un produit particulier »
  • « On devrait toujours être autorisé d’expérimenter toutes choses ! nous l’interdire c’est la négation du progrès »
  • « Au départ le principe de l’AOC est excellente c’est l’application administrative qui en est faite qui ne va pas »
  • Il revendiquait aussi d’être un paysan et avec Anne-Marie, son épouse – une sainte femme- ils s’occupèrent des vignobles du château de Corbin Michotte à Saint-Emilion, du Château de Calon
    en St Georges, du Château Cantelauze en Pomerol, à savoir 70 hectares dans la famille depuis 2 siècles que Emmanuel et Hubert gèrent aujourd’hui dans la continuité de l’esprit familial.
    Jean-Noël se passionna aussi pour ressusciter les 5 moulins à vent du 17eme siècle qui trônaient en ruines sur les points culminants des collines de la commune de Montagne. Elle voulait les raser, il les sauva, les racheta et les restaura avec passion et dans les règles de l’art.
    Il n’y a pas de raison que je passe sous silence le dernier combat qu’il livra au cœur de St Emilion au sujet d’un classement décennal qu’il combattra ! Et je ne fus pas surpris par son engagement sur le sujet : il ne supportait pas l’injustice !
    Notre confrère Jean-Noël, un des fondateurs de l’Académie international n’est plus ! Mais où que vous irez encore dans les vignobles du Monde, vous rencontrerez à coup sûr l’esprit de son
    enseignement et ses élèves – en quelque sorte ses disciples – vous diront que leur Maître est chaque jour présent dans l’exercice de leurs décisions et dans leurs souvenirs de jeunes étudiants en Œnologie.

11 décembre 2024